Il n'y avait rien que Camelia aimait plus que le moment où elle rentrait dans sa loge, son petit cocon, et qu'elle se retrouvait seule -sauf peut-être se retrouver sur scène ou à prendre une bonne tasse d'Earl Grey bien fumante- pour faire tout ce qu'elle voulait. À force de voyager tout le temps, elle en était venue à oublier ce que c'était d'avoir un chez soi, mais se retrouver dans son petit monde était le plus près que la chanteuse avait. Peu importe où elle allait, elle se faisait un point d'honneur de s'approprier le peu d'espace qu'on lui allouait. Elle ne partait jamais sans une bonne douzaine de chandelles et de cierges -elle en rachetait si elle en manquait- qu'elle disposait un peu partout dans la pièces. Un coin de sa table miroir était entièrement réservé à son brûleur d'encens et ses diverses petites babioles occultes qu'elle avait amassé au fil des années. Après une longue journée de répétition, le confort de son petit monde lui semblait divin.

Plusieurs tentèrent de l'approcher pour lui parler de tel ou tel détail quand à ses futures prestations mais Camelia les ignora tous un à un, s'enfonçant d'un pas rapide dans les corridors, comptant les secondes avant qu'elle ne rejoigne son petit coin de paix. En fait, ce n'est pas tant qu'elle les ignorait plus qu'elle ne les remarquait pas, trop perdue dans ses pensées. Elle n'était après tout pas reconnu pour être très terre à terre. À moi d'être en train de chanter ou de composer, son esprit était constamment ailleurs. Elle ne remarqua même pas son manager qui la suivait et lui ferma la porte au nez. Un centimètre de plus et il aurait reçu la porte en plein visage. Machinalement, elle se dirigea vers le miroir et craqua une allumette, allumant un bâton d'encens et pris un grande bouffée d'air le moment où les volutes de fumées s'élevèrent dans la pièce. L'encens avait vraiment un effet immédiat sur la jeune femme qui sentait toutes ses préoccupations s'envoler de son esprit. C'était un peu sa drogue à elle, mais en moins nocif.

La fameuse "Witchita" mit encore quelques minutes à faire de tour de son petit sanctuaire pour récupérer tout ce dont elle avait besoin: 5 grosses chandelles, un paquet d'allumettes et son livre sur l'histoire des sorcières de Salem. Elle traca mentalement sur le sol une étoiles et disposa de ses chandelles à chaques extrémités de l'étoile imaginaire puis, croisant les cheville, elle s'assit en plein milieu de la pièce, les bords de sa jupe de mousseline effleurant les bougies (heureusement qu'elles n'étaient pas encore allumées). Ce n'était pas une pratique si courante pour Camelia que de s'installer à l'intérieur d'un cercle de bougies en étoiles comme ça, mais toute la journée, elle avait senti peser sur elle des "mauvais esprits" et elle voulait être sûre de s'en débarrasser avant la fin de la journée. Après avoir enflammé la mèche de ses 5 bougies, la rouquine attrapa son livre et l'ouvrit à la dernière page qu'elle ait lu.

C'était vraiment une vision inusité qui s'offrait à quiconque entrerait dans la pièce: ce grand brin de femme, grande jupe de mousseline noire étendue autour d'elle, cheveux amassés en un chignon échevelé sur le dessus de sa tête, dos droit, entourée de petite flammes et de chandelles noires aussi, une main tenant un petit livre avec une image de femme brûlant au bûcher en couverture, et l'autre main triturant la petite pierre verte pendue à son cou. Toute l'attention de Camelia était dirigée sur les mots qui dansaient devant ses yeux, elle n'entendait aucunement son manager discuter avec quelqu'un de l'autre côté de la porte qui voulait apparemment entrer dans la loge. Elle était tellement préoccupée par l'histoire de Tituba la servante qu'elle ne remarqua même pas la porte s'ouvrir et quelqu'un entrer. C'est seulement en tournant la page et en levant légèrement les yeux qu'elle aperçu des jambes devant elle. Son regard suivit les jambes pour découvrir qu'une jeune femme entière y était rattachée, un gros tas que Camelia ne saurait identifié avec son esprit pas tout à fait entièrement là.

«Je peux vous aider?» demanda-t-elle de sa petite voix douce. Ce n'était aucunement un message subtile qui demandait à la jeune femme de partir, Camelia était simplement et réellement curieuse de savoir ce que la jeune femme qu'elle ne connaissait pas faisait dans sa loge.

sweet.lips